Death’s Game

Depuis des décennies, les asiatiques ont la réputation d’être rigoureux et disciplinés, cela grâce au confucianisme. Bien que cette façon de vivre est issue de la Chine, de Confucius, c’est en Corée qu’elle s’est ancrée. En effet, le pays du matin frais est connu pour être inflexible sur les règles de bienséance, de respect et de hiérarchie de même que sur l’honneur et la réussite de la famille. En raison de ces règles sociétales, de nombreux jeunes se retrouvent dépassés par la vie et par leur devoir. Ils refusent d’être la honte de la famille, de faire partie de ceux qui ont échoué dans un pays où l’échec est inacceptable, impardonnable. Lorsque cette situation arrive, le choix le plus fréquemment prit est le suicide. Un moyen de supprimer l’erreur, l’anomalie de la famille. Avec la pression omniprésente, la compétition au travail, en études; beaucoup succombent et sombrent dans la dépression. La Corée du Sud est par conséquent devenu le pays asiatique avec le plus haut taux de suicide. En 2019, elle est même le quatrième pays au niveau mondial.
Ce sujet, bien que tabou, fait malheureusement partie du quotidien des sud-coréens. Aussi surprenant qu’ordinaire, quelques auteurs tentent de dénoncer la société coréenne qui poussent les Hommes à se suicider. Certains plus explicitement que d’autres. Le scénariste Lee Won-Shik (이원식), a choisit une approche direct et percutante en mettant en scène la mort et le défit que cela représente.
Si tu n’arrives pas à trouver un travail avant tes 31 ans, tu seras plongé dans un profond désespoir. 14
— Citation page 14 d’un parent de Choi Lee Jae.

Choi Lee Jae (최이재) est un trentenaire poursuivi par la malchance. Il n’a plus de père, plus de copine, pas de travail, rien dans sa vie ne semble réussir. Après un énième échec de sélection pour un entretien d’embauche, il se sent inutile, incapable. De son point de vue, sa dernière solution pour sortir de cette situation de looser, c’est le suicide. Toutefois, rien ne se passe comme prévu. À peine a-t-il touché le sol après avoir sauté du toit d’un immeuble qu’il se réveille attaché dans un avion. Il n’a plus le même visage, le même âge, le même corps. Il est assit à côté d’une jeune femme qui lui annonce qu’il est bien mort mais qu’il va encore mourir 13 fois de manières différentes pour avoir insulté la mort, elle. Cependant, s’il arrive à l’éviter, il pourra continuer la vie qu’il a pris en cours de route. C’est une punition que lui inflige la mort elle-même pour l’avoir prise avec légèreté. Va-t-il réussir à survivre ou va-t-il mourir définitivement ?
Death’s Game (이제 곧 죽습니다-2019) est un webcomic dramatique traitant d’un sujet bien sombre; la mort. Ici, toutes les façons d’y accéder sont représentés : le suicide, la noyade, le passage à tabacs, le meurtre… Bien qu’il n’y ait pas de représentations détaillées ni de grandes quantités de sang, ce livre est déconseillé aux mineurs. Les sujets traités sont rudes et bouleversants en plus d’être abordés de manière plus ou moins violente. L’auteur met en lumière toutes les ombres de la société et de l’humanité coréenne. Il crée des personnages aux caractéristiques diverses pouvant parfois avoir commis les plus atroces des crimes. Les lecteurs peuvent y voir une repentance des personnes par le biais de Lee Jae qui, grâce à sa punition, entre dans leurs corps et tente de changer leur vie.
J’ai moins peur de mourir que de rester en vie dans ce merdier.
— Citation issu du personnage Choi Lee Jae
Le personnage de la mort peut-être vu comme la représentation de Dieu ou de l’un de ses anges. En effet, pour faire comprendre au protagoniste la gravité et la souffrance de la mort (phrase répétée plusieurs fois), la mort lui fait vivre plusieurs vies. Tels les feuilletons pendant la période de Noël où un ange vient mettre à l’épreuve les personnages pour qu’ils se rendent compte des problèmes dans leurs vies, la jeune femme fait comprendre à Lee Jae l’importance de vivre en le tuant plusieurs fois. Le jeune homme qui avait écrit dans son testament qu’il pouvait contrôler la mort (page 29) se retrouve à devoir y échapper.
Dans ses différentes vies, le protagoniste fait face à diverses situations et âges. Nous y retrouvons des gangsters, des tueurs mais aussi des magiciens et des enfants. Et bien que ces personnes soient plus ou moins riches, ce qui importe à Lee Jae c’est la situation économique, le métier mais surtout, la notoriété. En effet, lorsqu’il se retrouve dans un corps d’enfant, sa première pensée est de réussir scolairement car, pour lui, réussir dans la vie, c’est être dans la médecine ou en droit. Ceci est un exemple direct d’une société où l’on pousse les personnes à faire un métier rapportant de l’argent et une renommé plutôt qu’un métier que l’on aime. Ce qui pousse les parents à donner une pression à leur enfant qui engendre angoisse, stress et parfois même dépression.
Si tu arrives à échapper à la mort, tu pourras continuer à vivre comme si de rien n’était “ 27
— Citation page 27 du personnage de la Mort.

Tels que de nombreux webcomics comme The Gamer et The Begining After The End, Death’s Game fait des références au monde du jeu vidéo. C’est même explicitement avec le titre “Le Jeu de la Mort” et un dialogue à la page 51, que l’auteur compare la situation du jeune homme avec celle d’un jeu vidéo. Lorsqu’on se penche sur le scénario, on peut effectivement apercevoir une ressemblance, surtout quand la mort annonce le début de son jeu. Le fait d’avoir un nombre de vies limités peut être comparé à la mécanique que l’on retrouve dans les Rogue Like, des jeux où chaque niveaux sont différents et où les vies sont comptés. On peut aussi associer l’histoire avec un jeu de survie ou encore un jeu de choix dans lesquels toutes les actions influencent le futur. Un choix peu surprenant venant d’un auteur et d’un dessinateur vivant dans le pays comportant le plus grand nombre de personnes cyberdépendantes au monde.
Aussi bien visuel que psychologique, Death’s Game travaille les cœurs et les esprits sur le sujet de la mort. Déconseillé aux plus jeunes, il ravira les adeptes de drames, de jeux vidéo voire même de mangas avec un sujet similaire à celui de Death Note, une bande dessinée japonaise mondialement connue.
Attendez-vous à une immersion dans les zones sombres de l’humanité et de la société coréenne. De nombreux sujets sont débattus et sortis de l’ombre, serez-vous prêts à tenter ce jeu aussi dangereux que cruel ?
Death’s Game
Scénariste, Lee Won Sik (이원식)
Dessinateur Kkulchan (꿀찬)
Delcourt, KBOOKS, 2024
232 pages,14,95€
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