Biographie de Yu Gwan-sun

Parmi les noms qui ont fortement marqué l’Histoire moderne de la Corée, celui de Yu Gwan-sun (유관순) est l’un des plus célèbres. Cette jeune femme qui n’était au départ, qu’une simple lycéenne est devenue un réel symbole de la résistance coréenne face à l’Empire japonais. En effet, la première partie du XXe siècle représente un immense tournant historique pour la Corée. Elle se caractérise par un contexte très complexe et conflictuel pour la péninsule qui, dès 1905, devint protectorat du Japon et fut annexé en 1910. Cela marque le début d’une longue période d’oppression et de colonisation par le Japon jusqu’en 1945 lors de leur capitulation et l’inévitable séparation de la Corée.
Yu Gwan-sun est née en 1902, soit trois ans avant la signature du traité mettant la Corée sous protectorat japonais. Elle fut élevée dans une famille ayant des valeurs profondément chrétiennes, confucianistes et étant très attachée à son identité coréenne.
En grandissant, elle se distingua des autres enfants de son âge par sa grande intelligence qui dépassait tout entendement. Une jeune fille prodige capable de mémoriser des versets entiers de la Bible en très peu de temps.
C’est ainsi qu’en 1915, sous la recommandation d’une missionnaire américaine nommée Alice J. Hammond Sharp, elle intégra Ewha (이화학당), le tout premier établissement universitaire moderne réservé aux femmes créé par des missionnaires venant des Etats-Unis.
Suite à la mort controversée de l’empereur coréen Kojong (고종) en janvier 1919 qui aurait été empoisonné par les Japonais, des manifestations ont émergé dans les plus grandes villes de Corée pour s’opposer et contester la présence japonaise dans la péninsule. Cela aura pour conséquences l’arrestation de plusieurs personnalités politiques coréennes et la volonté du Japon de dissoudre ces mouvements populaires qui se propageaient au sein du pays. De plus, le célèbre discours du président américain Wilson de 1918 fit accroître les idées indépendantistes de la population ce qui amena, un an plus tard, au mouvement du 1er Mars 1919 : une date qui restera à ce jour, une journée de commémoration pour la Corée.

Ce fut donc lors de ce rassemblement pacifique au parc Tapgol (탑골) à Séoul, celui auquel Gwan-sun décida de participer avec quelques-unes de ses camarades, que la toute première lecture de la Déclaration d’Indépendance signée par trente-trois intellectuels eut lieu. De ce fait, ces dirigeants allèrent demander le départ des autorités japonaises qui, en réponse, décidèrent de les arrêter. Par conséquent, cette première manifestation représenta l’amorce de ce qui sera pour chaque citoyen coréen, une très longue bataille.
Depuis ce jour, Gwan-sun se montra de plus en plus investie et déterminée. La marche du 5 mars se finit par une arrestation des étudiantes à la porte sud de Namdaemun (남대문). Celles-ci furent ensuite libérées sous les négociations des missionnaires en charge d’Ewha mais les autorités japonaises prirent la décision de clôturer l’école.
C’est pourquoi Gwan-sun choisit de retourner dans sa ville natale, Cheonan (천안). Elle distribua de nombreuses reproductions de cette Déclaration d’Indépendance et alla dans une vingtaine de villages bordant Cheonan pour tenter de rassembler le plus de personnes possibles afin que ce mouvement ait un réel impact.
Néanmoins, ce fut lors d’une manifestation du 1er avril, le drapeau coréen à la main, que tout dégénéra. Les renforts japonais arrivèrent sur place et tirèrent sur la foule, ses parents furent malheureusement partis des victimes. Yu Gwan-sun, pour sa part, fut arrêtée puis torturée en échange d’informations qu’elle ne donna jamais.
Elle fut ensuite transférée à la prison de Seodaemun (서대문) avec une première sentence de cinq ans d’emprisonnement qui se transforma en trois. Elle se retrouva donc enfermée dans une cellule pour femmes d’environ 10 m² du nom de “cellule numéro 8” et elle sera appelée la “prisonnière 371”.

Cependant, même entre les murs de la prison, la conviction de ces femmes était trop forte pour que les Japonais puissent la réprimer. L’indignation ne cessa pas et les cris pour l’Indépendance redoublèrent en ce 1er Mars 1920, ce qui atteignit même l’extérieur de ces murs désolés. Le pays était uni, vibrant pour le même objectif et celui-ci ne s’arrêterait que lorsqu’il sera enfin accompli.
De plus, au sein même de leur étroite cellule résonnaient parfois les voix des vingt-quatre prisonnières chantant “Arirang” (아리랑), symbole de l’identité coréenne.
Ayant déjà régulièrement subi de nombreux châtiments corporels durant cette année 1919, Yu Gwan-sun participa à cette célébration des prisonniers pour commémorer le mouvement du 1er Mars en 1920, ce qui n’améliora en aucun point leur condition. La jeune femme finit par être isolée et à supporter la torture infligée par les officiers japonais.
Lors du mariage du prince Lee et de la reine Nashimoto Masako en avril 1920, les sentences des détenus furent finalement toutes réduites de moitié par l’empereur même si initialement les prisonniers qui continuaient de protester pour l’Indépendance n’étaient pas concernés.
Durant cette période de réclusion totale, les plus célèbres mots de Yu Gwan-sun furent écrits :
“Même si mes ongles sont arrachés, même si mon nez et mes oreilles sont arrachés et que l’on me brise bras et jambes, cette souffrance n’est rien comparée à la douleur de perdre ma nation. Mon seul regret est de ne pas avoir davantage dédié ma vie à mon pays.” et “Le Japon tombera.”.
Finalement, elle succomba à ses blessures le 28 septembre 1920, soit deux jours avant sa libération. L’intention était, en premier lieu, d’incinérer son corps à l’insu de tous mais une demande de l’école d’Ewha permit de le réquisitionner. L’inhumation eut lieu au cimetière d’Itaewon (이태원). Cependant, sa dépouille n’a pas été retrouvée depuis que ce même cimetière ait été remplacé par un terrain d’aviation pour les Japonais en 1939.
Nous pouvons ajouter que depuis, plusieurs statues ont été érigées en son honneur dont la plus connue la représente brandissant le drapeau coréen à Cheonan. Une tombe à son nom a de nouveau été construite en 1948. Sa maison familiale est désormais classée site historique (après sa reconstruction) et la prison de Seodaemun quant à elle, est devenue un musée retraçant la vie et les conditions des résistants.
Ainsi, Yu Gwan-sun devint, à presque dix-huit ans, un martyr de la résistance coréenne. Son courage et sa force font encore beaucoup d’échos en Corée, tout comme les voix des personnes l’ayant accompagnées durant ces longs mois. C’est pourquoi elle obtint à titre posthume une décoration de l’ “Ordre du mérite pour la Fondation Nationale” en 1962. Néanmoins, elle ne représente pas seulement son propre combat en tant que jeune fille réclamant la liberté du peuple, elle représente le peuple dans son entièreté.
Plus de 2 millions de citoyens coréens ont participé à ces nombreux défilés à travers toute la péninsule. Environ 47 000 personnes ont été arrêtées par les autorités et 7 500 ont été abattus, n’ayant pour seule défense leur dévotion à leur patrie.
Sources :
• JO, Min-ho, réalisateur. A Resistance. Corée du Sud : DCG Plus; Zorba Films, 2018. Internet, 105 minutes.
• KANG, Inyoung. Overlooked No More : Yu Gwan-sun, a Korean Independence Activist Who Defied Japanese Rule. The New York Times [en ligne]. 2018. The New York Times Compagny. [consulté dernièrement le 15 avril 2021]. Disponible sur : https://www.nytimes.com/2018/03/28/obituaries/overlooked-yu-gwan-sun.html
• Arirang TV. [Arirang Special] Yu Gwan-sun (유관순), an 18-year-old independence activist. Arirang TV, 2018. Document audiovisuel obtenu sur YouTube, 5 minutes 25. Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=k9k4Lo9TzuI
• Le script complet du film A Resistance disponible sur le site : https://subslikescript.com/movie/A_Resistance-10276054
• YIM, Seung-Hye. [FICTION VS. HISTORY] ‘A Resistance’ captures Yu Gwan-sun’s struggle: The hit film stays true to history in its telling of the final year of the activist’s life [en ligne]. Séoul : Korea JoongAng Daily en association avec The New York Times, 2019. [consulté dernièrement le 15 avril 2021]. Disponible sur : https://koreajoongangdaily.joins.com/2019/03/10/etc/FICTION-VS-HISTORY-AResistance-captures-Yu-Gwansuns-struggle-The-hit-film-stays-true-to-history-in-its-tellingof-the-final-year-of-the-activists-life/3060374.html
• FISZ, Nathalie. Expression coréenne #3 : que signifie Han ? [en ligne]. France : Korea.net, 2020. [consulté le 14 avril 2021]. Disponible sur : https://french.korea.net/NewsFocus/HonoraryReporters/view?articleId=191241#:~:text=Ce% 20qui%20caract%C3%A9rise%20le%20Han,pas%20vraiment%20%C2%BB%20dans%20le %20Han.
• MINIDO. [PORTRAITS D’HISTOIRE] YU GWAN SUN. Korea’s Owls, 2019 [consulté dernièrement le 15 avril 2021]. Disponible sur : https://koreasowls.fr/portraits-dhistoire-yu-gwan-sun/
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