L’influence de la traduction du Petit Prince en Corée. Partie 1

L’influence de Saint-Exupéry s’est étendue jusqu’en Asie, atteignant la Corée du Sud en 1973. Publié pour la première fois en Corée par la maison d’édition Moonye, Le Petit Prince a été traduit par le critique littéraire Kim Hyun (김현이). Un homme qui a étudié la littérature française à l’université de Séoul et qui a décidé de traduire cette œuvre pour son lyrisme, sa critique de la civilisation, sa compréhension humaine et sa profondeur de son histoire.
En Corée du Sud, Le Petit Prince est connu comme un chef-d’œuvre de la littérature française. D’ailleurs, les coréens tirent cette affirmation de célèbres journaux français. Selon un article du journal en ligne coréen The JoongAng (중앙일보) daté de décembre 1999, 45% des personnes qui ont répondu à un sondage de la CSA (institut de sondage d’opinion) publié dans le quotidien Le Parisien, assurent que “la meilleure littérature du 20ème siècle et la plus grande œuvre littéraire, c’est le Petit Prince”.
C’est donc tout naturellement, en partie par le biais des médias français, que l’écrit de Saint-Exupéry s’est glissé dans le pays du matin frais (la Corée) et dans son éducation. En effet, depuis leur plus jeune âge, les coréens entendent parler du Petit Prince. Ils le lisent à la maternelle puis, quelques années plus tard, ils l’étudient et le traduisent à l’université. Grâce à cette connaissance de l’œuvre dans leur jeunesse, de nombreux traducteurs ont voulu retraduire, parfois dans un autre dialecte, le Petit Prince. Tel que le déclare la traductrice vers le dialecte du Gyeongsang Choi Hyun-Ae (최현애) dans une interview datée de 2021, “J’ai commencé à penser à l’enfance, et à la fin de cette innocence enfantine, il y avait « Le Petit Prince »”. Il semblerait que Saint-Exupéry ait réussi à transmettre son thème préféré, celui de l’enfance, à travers le personnage de cet enfant blond.
Il faut savoir que tous les traducteurs ont une façon différente de voir les choses, ils ne décident pas tous de traduire à partir de l’œuvre originale, Choi Hyun-Ae, par exemple, a choisi de passer par la traduction anglaise. Celle-ci a d’ailleurs envoyé sa première traduction en Allemagne pour connaître leur avis.
Le traducteur Lee Jong-Seo (이정서), lui, a opté pour une traduction au plus proche du texte original : “On dit que plus vous vous rapprochez de la phrase de l’auteur original, plus son sens devient vif et profond, ce qui vous rend plus ému”. Bien que ce soit sa première expérience en traduction, celui-ci a “ressenti le désir que les phrases du livre soient transmises au lecteur telles qu’elles sont”.
Nous pouvons facilement tomber sur des versions pour enfants avec des dessins plus enfantins, moins soignés, pour toucher dès le plus jeune âge. Ces adaptations sont assez courtes et simplifiées permettant la connaissance des bases du livre.
Il y a donc plusieurs idéaux au niveau de la traduction et de la réalisation de celle-ci qui s’entrechoquent, créant une multitude de versions coréennes du Petit Prince. Cette particularité se répercute sur la vision de ce personnage dans la péninsule coréenne, une vision plutôt positive.

L’influence du Petit Prince en Corée du Sud est telle qu’un moine bouddhiste a rédigé une “Lettre au Petit Prince” (어린왕자에게 보내는 편지). En effet, Bop-Jeong, après avoir lu le livre une vingtaine de fois, a composé une lettre semblable à la forme d’un poème composée de quatre grandes parties destinée au protagoniste. Il énonce que grâce à lui, il a pu “reconnaître le fondement des relations humaines” et qu’il a “clairement pris conscience de son existence”. Pour lui, le livre de Saint-Exupéry lui a permis d’ouvrir les yeux sur la vie qui l’entoure. À travers les pages du Petit Prince, il a su découvrir un monde spirituel et philosophique qui lui a permis d’en apprendre plus sur lui-même et sur la mort. Cette lecture multiple lui a donné une expérience unique et inhabituelle que les lecteurs traditionnels auront peut-être laissés échapper.
Un spécialiste des sciences humaines, Kim Geong-Jip (김경집), pense comme le moine BopJeong, que cette histoire “rappelle les liens spirituels et leur valeurs plutôt que l’indulgence matérielle”. Toutefois, à la différence de celui-ci, il compare le Petit Prince à l’ancien testament et le “retour du Petit Prince” au nouveau testament, ceux de la Bible.
Présentement, le titre coréen du Petit Prince est “어린 왕자” (eolin hwangja) mais il est possible d’apercevoir le titre “애린왕자” (aelin hwangja) et “에린왕자” (elin hwangja). Cette différence sonore et écrite est en réalité issue de deux dialectes de la Corée du Sud: 애린왕자 vient du dialecte de Gyeongsang (sud-est de la Corée du Sud) et 에린왕자 vient du dialecte de Jeolla-do (sud-ouest de la Corée du Sud).
Le plus impressionnant à savoir est que la Corée du Sud détient le record du monde d’édition différentes du Petit Prince avec plus de 350 versions.
Le Petit Prince (en Coréen)
Munhakdongne, 2007
16.00 €
Partager cet article :
Laisser un commentaire